Avec l’engouement pour le jardinage biologique, dont on ne peut que se réjouir, Bacillus thuringiensis (Bt) ou bacille de Thuringe revient constamment lorsqu’il est question d’insecticide bio, permettant une utilisation en agriculture biologique. Qui est ce célèbre bacille et comment agit-il ? A quels insectes s’attaque-t-il et comment l’utiliser ? Est-il dangereux ?
Le bacille de Thuringe ou Bacillus thuringiensis (Bt)
Le bacille de Thuringe, de son nom scientifique, Bacillus thuringiensis, et de son petit nom ou acronyme, Bt, est une bactérie aérobie de forme allongée qui appartient au « groupe Bacillus cereus » qui rassemble au total 6 bacilles dont le Bt. Bacillus thuringiensis est présent en faibles quantités un peu partout dans la nature : sol, air, eau, végétaux (feuillage).
Sa première évocation remonte à 1901, lorsqu’un bactériologiste japonais Shigetane Ishiwata découvrit une bactérie qui infectait des vers à soie et les tuait. Dix ans plus tard, en 1911, le scientifique allemand, Ernst Berliner, se pencha sur une farine contaminée par la pyrale de la farine (Ephestia kuehniella) dont l’agent pathogène n’était autre que l’espèce de bacille qu’il nomma Bacillus thuringiensis en référence au Land allemand de Thuringe, dans lequel le papillon gris de la farine avait été trouvé. On doit donc à ce chercheur allemand la description scientifique du bacille de Thuringe.
De prédateur du ver à soie, le bacille de Thuringe s’est transformé en insecticide biologique, dont la commercialisation démarra en 1938. Depuis, les recherches se sont poursuivies afin de mieux comprendre le fonctionnement du bacille permettant de lutter essentiellement contre les lépidoptères (chenilles puis papillons).
Ainsi, en 1976, deux sérotypes nouvellement découverts, israelensis (Bti) et tenebrionis (Btt), se sont révélés larvicides, permettant de combattre les moustiques, les simulies (moucherons piqueurs des zones humides) et les coléoptères.
Comment agit et quels insectes cible Bacillus thuringiensis (Bt) ?
L’activité insecticide de Bacillus thuringiensis réside dans la production d’inclusions cristallines protéiques appelées δ-endotoxines (delta-endotoxines) qui sont formées au cours de la sporulation. Ces cristaux protéiques sont mortels pour les insectes ciblés qui les ingèrent, puisqu’ils détruisent leurs cellules intestinales, les empêche de se nourrir et finissent par les tuer.
Bacillus thuringiensis agit comme insecticide sélectif des chenilles et permet de lutter contre de nombreux insectes destructeurs des cultures : piéride du chou, ver du poireau, noctuelles, chenilles processionnaires du pin, carpocapses, tordeuses, pyrale du buis… Les jeunes chenilles sont la cible de choix de Bt car elles se nourrissent beaucoup, tandis que les plus anciennes sont moins victimes.
Il ne détruit pas les autres insectes qui peuvent être des auxiliaires bienvenus au jardin (coccinelle, etc.) mais attention, il s’attaque à toutes les chenilles, donc aux jolis papillons pollinisateurs. Il convient donc de l’utiliser correctement.
Comment utiliser Bacillus thuringiensis (Bt) ?
Bacillus thuringiensis (Bt) appartient à l’arsenal de lutte biologique qui consiste à recourir à des organismes vivants pour éradiquer des organismes nuisibles. Ainsi, vous trouverez en jardinerie et commerces spécialisés des préparations à pulvériser dont vous devrez vérifier la date de péremption avant l’achat car ils ne se conservent pas très longtemps (1 an maximum). Il est donc inutile d’en stocker d’avance par précaution et inutile de vouloir l’utiliser en prévention. Après l’achat, rangez-le à l’abri de la lumière, au sec et dans un lieu pas trop chaud (25°C maximum).
Par ailleurs, Bt ne doit pas être mélangé avec d’autres produits (cuivre, soufre, pyrèthre…) pour s’éviter plusieurs passages. D’ailleurs, ne vous laissez pas tenter par des produits mixtes déjà mélangés associant Bt, insecticide sélectif, et pyrèthre naturel, insecticide total : c’est insensé et va à l’encontre de l’effet ciblé de Bacillus thuringiensis.
Intervenez uniquement lors de la période d’activité des chenilles en ciblant bien les cultures. Ne pulvérisez que sur les végétaux infestés par des chenilles et n’allez pas pulvériser aux alentours histoire de vider votre bidon. Respectez les dosages indiqués sur l’emballage.
Protégez-vous avec des gants, bottes, masque, lunettes, voire combinaison, et choisissez une fin de journée sans vent, lorsque la température est redescendue (< à 15°C) pour pulvériser de façon circonscrite au feuillage et aux tiges touchés par les chenilles, en réglant le pulvérisateur sur des gouttelettes très fines. Un deuxième passage peut être nécessaire 10 jours plus tard en cas de nouvelle éclosion de larves.
Bacillus thuringiensis (Bt) est-il dangereux ?
Tous les produits naturels ne sont pas sans risques d’ailleurs des études ont montré que Bacillus thuringiensis pouvait persister en milieux aquatiques, mais la rémanence de Bt au jardin semble faible car les UV détruisent la toxine.
Toutefois, d’autres risques existent puisque l’industrie agrochimique a développé des plantes transgéniques dite « Bt », c’est-à-dire des OGM avec des gènes codant la toxine insecticide de Bacillus thuringiensis. Dans ce cas, on remarque une persistance du gène en question issu du maïs Bt dans les milieux aquatiques, ou aux alentours des champs ensemencés avec ce maïs OGM. En effet, feuilles, tige, pollen, rhizosphère, contiennent du Bt qui s’accumule dans le sol et peut sans doute intégrer les gènes d’autres bactéries… Et puis, il faut aussi compter avec le développement de souches d’insectes résistantes visés par le Bt, donc des impacts sur les écosystèmes non anodins en utilisation intensive pour grandes cultures.
(crédit photo 1 : Dr. Sahay – CC BY-SA 3.0)
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