Au rayon des amendements de votre jardinerie habituelle, vous avez peut-être remarqué l’offre, assez récente, de biochar, ce « charbon végétal », « biologique » en poudre, granulés ou blocs, vanté comme étant un puits de carbone permettant de vous aider à rendre votre sol d’une excellente fertilité. Qu’en est-il exactement et qu’est-ce que le biochar plus précisément ?
Qu’est-ce que le biochar ?
Le terme même de « biochar » est ce qu’on appelle un néologisme, un nouveau nom créé à partir des origines du produit inédit : « bio » pour sa qualité organic et « char » en référence à l’anglais charcoal signifiant « charbon de bois ». Il s’agit d’un charbon à usage agricole qui aurait aussi pu s’appeler « agrichar » mais c’était peut-être moins vendeur en termes de marketing, pourtant son application est bien agronomique et environnementale.
Quoi qu’il en soit, malgré la ressemblance physique, ne le confondez pas avec votre sac de charbon de bois, combustible dégageant du CO2, destiné à faire des barbecues cet été, obtenu par carbonisation, tandis que le biochar, sorte de carbone solide, fertilisant agissant comme puits de carbone, est issu de la dégradation de matière organique (résidus forestiers) par pyrolyse, c’est-à-dire par une forte chaleur (supérieure à 350°C) sans oxygène.
Tout le monde s’accorde pour faire le lien entre le biochar et la terra preta ou terres noires d’Amazonie redécouvertes dans les années 1970 pour leur remarquable fertilité et leur richesse, sur plusieurs mètres de sous-sol, en charbon de bois ainsi qu’en matière organique, alors que les alentours sont plutôt composés de sols pauvres, lessivés. S’agissait-il du reste de brûlis de la végétation pour mettre en culture ou ont-ils enfoui les restes de la combustion de leurs déchets domestiques (bois notamment), personne ne le sait aujourd’hui. Mais ces populations indigènes des civilisations précolombiennes bénéficiaient d’un sol extrêmement fertile, dont le charbon était très poreux permettant de retenir l’eau, les nutriments et de séquestrer beaucoup de carbone, ce qui explique l’évocation de puits de carbone. Cette porosité est due à la pyrolyse qui permet de préserver durablement la structure de la matière organique de base, en conservant les cellules vides et vaisseaux auparavant remplies de sève et en ne gardant que le carbone évitant ainsi son rejet dans l’atmosphère qui contribue au réchauffement climatique.
Alors, le biochar : amendement miracle ou mirage ?
La pyrolyse permet au biochar de ne comporter que du carbone et une petite proportion de cendres. Or, ces dernières vont apporter au sol des nutriments immédiatement puis elles vont être lessivées, alors que le carbone peut y demeurer très longtemps avec des effets sur le très long terme comme la terra preta le montre, et une augmentation des échanges cationiques avec rétention des éléments nutritifs (potassium, calcium, magnésium…). Mais si ces derniers sont absorbés par le biochar, cela n’a d’intérêt pour le sol, en termes d’amendement, que s’ils bénéficient aux plantes et qu’ils ne sont pas uniquement stockés. Pour cette raison, les différents chercheurs et spécialistes qui ont fait des expérimentations avec le biochar, en tirent les mêmes conclusions : le biochar doit être inoculé avant utilisation.
Dans Les 4 Saisons – Le sol vivant (hors-série n°25)*, l’une des 4 parties, consacrée à l’amélioration du sol, décrypte les techniques qui permettent d’amender et de nourrir le sol, parmi lesquelles le biochar : un dossier complet faisant état des connaissances actuelles sur cet amendement permet de tout savoir afin de l’utiliser, le cas échéant, correctement.
Ainsi, à sa lecture vous découvrirez que les effets du biochar sont surtout manifestes sur les cultures en pot soumises à un stress hydrique, mais pas sur les cultures en conditions normales. Donc prudence avant de le mettre dans votre panier : selon la nature et l’état de votre sol, l’effet du biochar sera différent ; par exemple, on apprend que le biochar au pH très élevé sera bénéfique à un sol acide, mais ce ne sera pas le cas pour tous les sols, et n’oubliez pas que ce charbon reste des siècles dans le sol donc votre geste n’est pas anodin.
Et puis, comme l’écrit judicieusement Charles Hervé-Gruyer de la ferme du Bec-Hellouin « Permaculture, Guérir la Terre, nourrir les Hommes », il faut veiller à la méthode de fabrication de ce biochar car la combustion, sans oxygène, dégage des gaz et il lui semble évidemment important d’avoir « un système à double paroi autorisant la combustion de ces gaz car les systèmes les plus simples les rejettent dans l’atmosphère où ils contribuent au réchauffement climatique – ce qui n’est pas vraiment le but recherché« .
* Disponible en kiosque ou sur www.terrevivante.org – 100 pages – 7,70 €
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