Comme toute discipline, qui plus est technique, l’architecture évolue en fonction des avancées scientifiques et matérielles, des modes esthétiques, des besoins, des demandes politiques et sociales, voire parfois de la course à la prouesse (hauteur, résistance, etc.) attisée par le désir de renommée internationale… Dans cette course effrénée, l’architecture a parfois – sans doute trop souvent – oublié la nature et l’environnement. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’architectes sensibles aux préoccupations de leur époque commence à imaginer une architecture en harmonie avec les éléments naturels.
L’impératif environnemental
Les questions environnementales s’imposent à tous les niveaux face aux menaces climatiques et sanitaires qu’elles font peser sur l’humanité. La prise de conscience, bien que tardive, ne doit pas nous empêcher d’imaginer des habitats plus durables, qui ne détruisent pas l’environnement naturel et qui donnent forcément plus de satisfaction en réactivant le lien avec la nature.
La revue Garden_Lab#12* sur le thème Architecture et jardins, ouvre ses pages à des femmes et des hommes qui dessinent l’habitat vivant de demain avec des solutions durables autour de l’architecture bioclimatique, la co-construction, le respect des ressources réutilisées…de nombreuses démarches écoresponsables qui ne sont pas moins poétiques, belles et agréables à vivre pour autant.
En effet, après avoir bâti pour façonner le paysage urbain de façon « moderniste », sans préoccupation majeure de l’existant, avec plutôt une action destructrice du vivant, les évènements climatiques et sanitaires se succèdent de plus en plus fréquemment pour nous rappeler que si rien n’est fait pour préfigurer le « monde d’après » autour de l’écoresponsabilité, nous allons vers la catastrophe. Heureusement, les manières de penser l’architecture commencent à se renouveler en revisitant la relation avec la nature via une ouverture pluridisciplinaire vers d’autres acteurs : artistes, paysagistes, sociologues, urbanistes…
Réhabiliter plutôt que détruire pour reconstruire
Aujourd’hui, le zéro déchet, les ateliers de réparation collaboratifs, les recycleries, les vêtements d’occasion, les téléphones reconditionnés, etc. Tous les domaines crient haro sur le jetable et invitent à lui préférer la réparation et le recyclage, parfois certes, avec un objectif marketing à peine dissimulé.
Il en va de même pour le bâti comme nous le montrons dans un dossier sur la protection d’un bardage en bois selon une méthode ancienne reprise dans l’ouvrage de Audrey Bigot et Martin Barraud « Auto-construire en réemploi – Donner une seconde vie aux matériaux« , un ouvrage qui ne se veut pas être un manuel de construction mais plutôt qui invite à imaginer des solutions pour réutiliser des matériaux, alliant ainsi économie et écologie.
Ces codes qui commencent à changer se manifestent au degré supérieur, notamment lorsque Philippe Madec, architecte urbaniste, défend la réhabilitation des bâtiments plutôt que leur destruction pour reconstruire. Partisan avant l’heure d’une architecture écologique, il plaide pour une frugalité heureuse et créative : la frugalité, par sa racine latine (frux pour « fruit »), appelle l’équilibre de la relation à la nature, tandis que la créativité est indispensable pour imaginer de nouvelles pratiques.
Cela ne signifie pas qu’il faille tout oublier des constructions « utiles » destinées à loger les familles après-guerre, mais cela implique de ne plus construire partout de façon identique, selon les mêmes techniques génériques qui ne tiennent pas compte de l’aspect local géographique, naturel, climatique et culturel. Sans doute est-ce d’ailleurs au niveau communal ou intercommunal via les PLU ou PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) que l’évolution peut se faire le plus facilement car on y connait bien le « milieu », le local, l’économie circulaire, les savoir-faire, le partage, l’échange. C’est cette relation de plus en plus verticale aux territoires, utilisant moins de ressources, que prône le Manifeste pour une frugalité heureuse et créative, initié par Philippe Madec, l’ingénieur Alain Bornarel et l’architecte chercheuse Dominique Gauzin-Müller.
Détruire puis construire coûte cher à l’environnement : selon l’ONU (2018), 40% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial sont issues de la construction ! Il est donc urgent de changer nos pratiques en consolidant, réparant, nettoyant, renforçant, etc. en concertation avec les habitants comme cela se fait de plus en plus dans certaines villes dites « Vertes ». Et cette réhabilitation du bâti existant s’accompagnant de l’aménagement de cours et patios végétalisés, de jardins partagés et de circulations douces doit prévaloir.
Tenir compte du vivant
Trop longtemps, les bâtisseurs ont construit à côté du vivant sans le prendre en compte suffisamment : il est grand temps d’habiter la Terre autrement, de remettre en évidence les atouts de la forêt, particulièrement des forêts primaires, à l’instar de Francis Hallé.
* sortie en librairies, points de vente spécialisés et sur gardenfab.fr le 16 septembre 2021 – 176 pages – 19,90 €
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